Jardin de paresse
2017





« Si vous possédez une bibliothèque et un jardin,
vous avez tout ce qu'il vous faut. … » 
Cicéron


Le monde des plantes semblait définitivement enterré par la création artistique, quand soudain, il retrouve une place privilégiée dans le domaine de la création contemporaine. Exerçant de nouveau une forte attraction sur grand nombre d’artistes, il se fait désormais acteur incontournable des expositions.

Un jardin comme mythologie collective

Penser un jardin est avant tout penser un projet, penser un agir. Un agir en devenir, un agir en mouvement et un agir commun. Penser un jardin, c’est penser le projet d’un récit. Un récit collectif en devenir avec sa part de prévisible et sa part de libre autonomie aléatoire, sa part de dialogues, de concertations, de dramaturgie collective et sa part d’inattendus, de rebondissements, d’irrévérences… Penser ce jardin comme penser un récit, penser ce jardin comme construire une mythologie collective, lui permettra de se faire le reflet d’une époque, d’une société et de sa pensée, à travers le prisme de notre regard et de nos soins.

Esthétique de la paresse

La paresse est comme un jardin privé qui nous encourage à l’entretenir. Sa nature s’y voudra lascive, sensuelle et luxuriante. L’esthétique de ce jardin cultivera le langoureux, le voluptueux. Plantes grasses et exotiques, feuilles aux formes harmonieuses et apaisantes, dynamiques, perspectives et mises en scènes de la paresse : le Jardin de paresse, sorte d’Eden reconvoqué dans nos immeubles, se voudra espace de langueur et l'oisiveté.

Les mains dans la terre

« La paresse est peu recommandable, surtout chez un travailleur » : En vis-à-vis direct avec cette esthétique de la paresse, penser et édifier un jardin convoquera le rapport de chacun au travail. Un travail qui s’inscrit dans le temps, le temps d’un entretien exhaustif et constant. Un travail dans la durée, dans la répétition, dans la ritualisation avec un regard toujours renouvelé, une relation au temps propre à la forme de cette oeuvre vivante, propre à son autonomie et à sa volonté de survie. Un travail qui s’exerce sans oublier que parfois il faudra laisser « oeuvrer » la nature...

Le jardin d’intérieur, l’enclos ultime, l’enclos intime, est en quelque sorte une petite forme de « jardin planétaire », la plus fragile et dépendante. Il est malgré son caractère éphémère conçu pour durer ; Il est oeuvre du vivant. Cycliquement, il nous montre les enjeux du temps, de la vie et de la mort. Le maintien de son équilibre dépend entièrement de l’homme, qui en sera responsable en tant que complice, jardiner et camarade.

Ce subtil mélange entre lâcher prise et tenir bon

Le jardin d’intérieur, commencera à vivre dès son installation dans l’espace. Il est conçu comme un moyen d’engagement qui permet sa propre conservation. S'occuper d'un jardin c’est en quelque sorte s’occuper de soi-même, des autres et de l'environnement collectif. Le jardin ne sera pas le travail du seul artiste mais un travail commun, partagé dans le temps. Lieu de résistance, le jardin sera une oeuvre durable et fragile qui demandera les soins de tous les acteurs du projet afin de se pérenniser et de se conserver.

Pensé comme un territoire sans limites, le jardin se voudra un laboratoire biologique, social, éthique et politique. Il sera le portrait d'une communauté travaillant à son maintien.